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4 femmes scientifiques dont les découvertes ont été volées (partie 2)

Connaissez-vous l’effet Matilda ? Il désigne la tendance à invisibiliser la contribution des femmes à la recherche scientifique. Alors, rendons à Cléopâtre ce qui est à Cléopâtre. Cortex Média vous présente le portrait de deux autres femmes scientifiques dont les découvertes ont été volées. Retrouvez les portraits de Lise Meitner et Marthe Gautier dans la partie 1.

Nettie Maria Stevens ǀ PDM

Nettie Maria Stevens ǀ PDM

Nettie stevens

Nettie Stevens, madame X

Nettie Stevens fait partie de ces femmes scientifiques dont la contribution a été récompensée par un Prix Nobel attribué à un homme. Et il s’agit d’une avancée majeure : elle découvre le rôle des chromosomes X et Y dans la détermination du sexe de l’embryon.

Nettie voit le jour en 1861, dans une petite ville du Vermont nommée Cavendish. Le salaire de son père, charpentier, mais surtout sa détermination à offrir à ses filles un accès aux études, lui permettent de poursuivre des études secondaires. Nettie correspond au cliché de la scientifique première de classe : elle est une élève brillante qui épate ses professeurs. Elle enseigne à son tour pendant une dizaine d’années et c’est lors d’un cours pour enseignants que naît son intérêt pour la biologie.

Après avoir économisé en enseignant, elle parvient à intégrer Stanford, une université qui accepte les étudiantes, chose peu commune pour l’époque. Trois ans plus tard, elle décroche son diplôme en biologie, puis, en 1903, à 42 ans, elle obtient un doctorat en cytologie, la science des cellules. Elle choisit de rester à l’université pour se consacrer à la recherche sur la détermination des organes sexuels.

La naissance de la génétique moderne

À l’époque, on considère que c’est l’environnement pendant la grossesse qui est crucial dans la détermination du sexe, et Edmund Beecher Wilson et Thomas Hunt Morgan, dont Nettie est l’assistante de laboratoire, le pensent aussi. Elle est pourtant convaincue que le chromosome Y, contenu dans la 23ème paire, joue un rôle important.Elle parvient, grâce à l’étude de vers de farine, à démontrer qu’il détermine le sexe masculin. Afin de pouvoir publier un article partageant la découverte, elle le soumet à un comité scientifique dont Wilson fait partie. Ce dernier, inspiré par Stevens, publie un article similaire la même année mais ne la cite qu’en notes de bas de page. Morgan, quant à lui, parle d’elle dans un autre article comme d’une simple technicienne.

Wilson et Morgan, reçoivent la majorité des honneurs et de la visibilité scientifique, allant jusqu’au Prix Nobel pour Morgan. Nettie Stevens décède à l’âge de 50 ans, sans avoir reçu la reconnaissance qu’elle mérite de son vivant. Ce n’est que récemment que la communauté scientifique a reconnu l’apport de Nettie à la naissance de la génétique moderne.

Aujourd’hui, Charlotte Scholtes, chercheuse en génétique, rappelle dans notre podcast qu’on n’a pas besoin d’être première de la classe pour faire avancer la science.

Sophie Germain, la mathématicienne de l’ombre

Son parcours est assez exceptionnel pour une jeune femme du XIXème siècle. Sophie Germain, née à Paris en 1776, a su braver les interdits de son époque. Son avidité et sa hargne lui permettent d’ouvrir de nouveaux horizons en théorie des nombres et en physique.

Elle grandit dans une famille aisée et s’instruit en cachette en explorant la bibliothèque familiale. Deux ouvrages vont marquer un tournant dans son éveil scientifique : le Cours de mathématiques à l’usage des gardes du pavillon et de la marine de Bézout, et l’Histoire des mathématiques de Montucla. Passionnée, elle étudie jour et nuit, malgré la réticence initiale de ses parents, peu enclins à voir leur fille préférer les mathématiques à la quête d’un bon parti.

Un génie caché derrière un pseudonyme

Déterminée à poursuivre sa passion, à 18 ans, elle profite de la création de l’École polytechnique pour suivre les cours par correspondance, sous le pseudonyme masculin de « Monsieur Leblanc », seule façon pour elle d’être prise au sérieux. Elle échange ainsi avec les plus grands esprits de son temps, dont Joseph-Louis Lagrange. Impressionné par la qualité de ses travaux, il finit par découvrir sa véritable identité et la soutient.

Sophie s’attaque alors à l’un des plus grands défis mathématiques : le dernier théorème de Fermat. Elle met au point une méthode innovante et démontre le théorème pour une classe entière de nombres premiers. Elle résout donc le problème de Fermat pour des nombres qui s’appelleront par la suite « les nombres de Sophie Germain ». Pourtant, ses résultats sont publiés sous le nom de ses confrères ou son nom relégué en notes de bas de page. Sophie Germain s’illustre aussi en physique, notamment par ses travaux sur l’élasticité, qui poseront les bases du calcul des structures métalliques. Elle a rendu possible, entre autres, la construction de la tour Eiffel.

Elle continue à travailler toute sa vie mais ne sera jamais admise à l’Académie des sciences et ne recevra jamais de poste officiel. En 1816, elle devient la première femme à recevoir le prix des Sciences Mathématiques de l’Institution et à assister à ses séances. Sophie Germain meurt en 1831… à quelques mètres de l’Académie des sciences.

Le portrait tout aussi inspirant de la mathématicienne Laure Saint-Raymond, membre de l’Académie des sciences, est disponible sur Cortex média.

Aujourd’hui : où en sont les femmes de science ?

Selon un rapport de l’Académie des sciences publié en 2024, les femmes sont aujourd’hui presque à parité avec les hommes en début de carrière scientifique, mais se heurtent vite à des obstacles qui freinent leur progression. Elles ne sont que 18% à l’Académie. Malgré ces freins, certaines réussissent à briser le plafond de verre et à s’imposer dans un milieu encore trop masculin.

Notre série documentaire met en lumière les parcours remarquables de dix scientifiques de renom, dont six académiciennes.

Juliette Berliat
Juliette Berliat

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